Sur les obligations hebdomadaires de service des enseignants du privé et du public (principe d'équivalence), voici un des jugements de TA qui concernent les maîtres de l'enseignement privé titulaires d'un contrat définitif dans l'échelle de rémunération des professeurs des écoles et exerçant exclusivement leurs fonctions dans un établissement d'enseignement privé du second degré.
Voir aussi les conclusions de Mme Mylène Bernabeu, commissaire du gouvernement, dans la revue
Actualité juridique Droit administratif 2007. p. 706. On peut aussi demander ces conclusions, je crois, au TA de Lille.
Tribunal administratif de Lille
2 novembre 2006
N° 0303229
Vu la requête, enregistrée le 9 juillet 2003, présentée par M. Gérard V., élisant domicile ... ; M. V. demande au Tribunal :
1°) d'annuler la décision en date du 20 mai 2003 par laquelle le recteur de l'académie de Lille a rejeté sa demande tendant au bénéfice des dispositions de l'article 1er du décret n° 50-581 du 25 mai 1950 modifié, portant règlement d'administration publique pour la fixation des maximums de service hebdomadaire du personnel enseignant des établissements d'enseignement du second degré ;
2°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Lille de le « rétablir dans [ses] droits » en prévoyant « les moyens horaires nécessaires pour les réductions de service des années à venir » ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée, portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu le décret n° 50-581 du 25 mai 1950 modifié, portant règlement d'administration publique pour la fixation des maximums de service hebdomadaire du personnel enseignant des établissements d'enseignement du second degré ;
Vu le décret n° 78-252 du 8 mars 1978 modifié, fixant les règles générales déterminant les conditions de service de certains maîtres contractuels ou agréés des établissements d' enseignement privés sous contrat et des mesures sociales applicables à ces personnels ;
Vu le décret n° 86-492 du 14 mars 1986 modifié, relatif au statut particulier des professeurs d'enseignement général de collège ;
Vu le décret n° 90-680 du 1er août 1990 modifié, relatif au statut particulier des professeurs des écoles ;
Vu le décret n° 91-41 du 14 janvier 1991 modifié, relatif au service hebdomadaire des personnels enseignants du premier degré ;
Vu le décret n° 2002-91 du 18 janvier 2002 modifié, portant modification des décrets n° 50-581 et n° 50-582 du 25 mai 1950 fixant les maxima de service hebdomadaire du personnel enseignant des établissements d'enseignement du second degré et des établissements publics d'enseignement technique et du décret n° 86-492 du 14 mars 1986 relatif au statut particulier des professeurs d'enseignement général de collège ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2006 :
- le rapport de M. Lemaire, conseiller,
- les observations de M. V.,
- et les conclusions de Mme Bernabeu, commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées par le recteur de l'académie de Lille :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : « Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision [...] » ; qu'aux termes de l'article R. 421-2 de ce code : « Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. / [...] / La date du dépôt de la réclamation à l'administration, constatée par tous moyens, doit être établie à l'appui de la requête » ;
Considérant qu'il est constant que par une lettre en date du 26 mars 2003, M. V., maître contractuel d'un collège d'enseignement privé, a demandé au recteur de l'académie de Lille le bénéfice des dispositions de l'article 1er du décret du 25 mai 1950 susvisé dans leur rédaction issue de l'article 1er du décret du 18 janvier 2002 susvisé ; que par une note du 20 mai 2003 adressée aux chefs d'établissements d'enseignement privés liés à l'Etat par contrat, le recteur de l'académie de Lille leur a demandé de porter à la connaissance des enseignants lui ayant adressé des lettres relatives à l'application du décret susindiqué du 18 janvier 2002 la réponse du ministre de l'Education nationale à la question qu'il lui avait soumise indiquant que les dispositions de ce décret ne sont pas applicables aux personnels enseignants du premier degré qui exercent en collège ; qu'ainsi, M. V. est recevable à demander l'annulation de cette note qui doit être regardée comme une décision de rejet de sa demande du 26 mars 2003 ;
Considérant, d'autre part, qu'en l'absence de conclusions indemnitaires, la fin de non-recevoir tirée de l'absence de chiffrage des conclusions ne peut qu'être écartée ;
Considérant, enfin, que la circonstance que M. V. ne demande pas au tribunal de céans d'enjoindre au recteur de l'académie de Lille de procéder à des rappels financiers est par elle-même sans incidence sur la recevabilité de la requête ;
En ce qui concerne le bien-fondé des conclusions :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 914-1 du code de l'éducation : « Les règles générales qui déterminent les conditions de service... des maîtres titulaires de l'enseignement public,[...], sont applicables également et simultanément aux maîtres justifiant du même niveau de formation, habilités par agrément ou par contrat à exercer leur fonction dans des établissements d'enseignement privés liés à l'Etat par contrat. » ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 8 mars 1978 susvisé : « Les maîtres contractuels ou agréés des établissements d' enseignement privés sous contrat auxquels un contrat ou un agrément définitif a été accordé en application du décret susvisé du 10 mars 1964 modifié sont soumis, pour la détermination de leurs conditions de service, aux dispositions applicables aux personnels de l'enseignement public » ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 25 mai 1950 susvisé : « Les membres du personnel enseignant dans les établissements du second degré sont tenus de fournir, sans rémunération supplémentaire, dans l'ensemble de l'année scolaire, les maximums de services hebdomadaires suivants : A) Enseignements littéraires, scientifiques, technologiques et artistiques : [...] Non agrégés : dix-huit heures / [...] » ; qu'aux termes de l'article 12 de ce décret : « Le maximum de service d'un membre du personnel enseignant des classes élémentaires qui donne tout son enseignement dans une classe de second degré est celui fixé pour les professeurs non agrégés aux articles 1er et 4 du présent décret » ;
Considérant que les dispositions du décret du 14 janvier 1991 susvisé relatif au service hebdomadaire des personnels enseignants du premier degré, et notamment son article 1er, n'ont pour objet que de fixer les obligations hebdomadaires de service de ces personnels exerçant leurs fonctions dans des établissements du premier degré ; qu'ainsi, en vertu de la règle d'équivalence des conditions de service prévue par les dispositions précitées de l'article L. 914-1 du code de l'éducation et du décret du 8 mars 1978, M. V., maître contractuel de l' enseignement privé sous contrat titulaire d'un contrat définitif dans l'échelle de rémunération des professeurs des écoles et chargé à titre exclusif d'enseignements littéraires dans un établissement d'enseignement du second degré, est en droit de prétendre au bénéfice des dispositions précitées de l'article 1er du décret du 25 mai 1950 dans leur rédaction issue de l'article 1er du décret du 18 janvier 2002 susvisé ; que, par suite, M. V. est fondé à soutenir que la décision en date du 20 mai 2003 par laquelle le recteur de l'académie a rejeté sa demande ayant cet objet est entachée d'une erreur de droit et à en demander l'annulation ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; qu'il appartient au tribunal, lorsqu'il est saisi sur le fondement des dispositions précitées de conclusions tendant à ce que soit prescrite une mesure d'exécution dans un sens déterminé, de statuer sur ces conclusions en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision ;
Considérant que le présent jugement, qui annule la décision en date du 20 mai 2003 par laquelle le recteur de l'académie de Lille a rejeté la demande de M. V. tendant au bénéfice des dispositions de l'article 1er du décret du 25 mai 1950 susvisé, implique nécessairement que les obligations hebdomadaires de service du requérant soient fixées à dix-huit heures en application de ces dispositions ; qu'en revanche, le présent jugement n'implique pas nécessairement que les obligations hebdomadaires de service de M. V. soient fixées à dix-huit heures à compter de l'entrée en vigueur du décret du 18 janvier 2002 susvisé, les services afférents aux années scolaires antérieures au présent jugement ayant été entièrement accomplis par l'intéressé ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au recteur de l'académie de Lille de fixer les obligations hebdomadaires de service de M. V. à dix-huit heures à compter de la notification du présent jugement ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. V. de la somme de 15 euros qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Décide :
Art. 1er : La décision en date du 20 mai 2003 par laquelle le recteur de l'académie de Lille a rejeté la demande de M. V. tendant au bénéfice des dispositions de l'article 1er du décret n° 50-581 du 25 mai 1950 modifié, portant règlement d'administration publique pour la fixation des maximums de service hebdomadaire du personnel enseignant des établissements d'enseignement du second degré, est annulée.
Art. 2 : Il est enjoint au recteur de l'académie de Lille de fixer les obligations hebdomadaires de service de M. V. à dix-huit heures à compter de la notification du présent jugement.
Art. 3 : L'Etat versera à M. V. la somme de 15 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Art. 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. V. est rejeté.
Art. 5 : Le présent jugement sera notifié à M. Gérard V. et au ministre de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.